Ci dessous le courrier que nous avons fait parvenir aux député(e)s de la région Auvergne.

Il va vous être demandé de voter, pendant la session extraordinaire de juillet, sur la loi relative à la délimitation des régions et au report des élections départementales et régionales. Cette loi n’a elle-même de sens que comme donnant des modalités d’application à une seconde loi, que vous serez appelés à voter cet automne, sur la nouvelle organisation territoriale de la République. On peut d’ailleurs s’interroger sur le procédé qui consiste à soumettre au vote des assemblées d’abord la loi qui met en œuvre, ensuite la loi qui traite du fond, comme s’il était urgent de créer l’irréversible en posant au plus vite un cadre nouveau.

La FSU est une fédération de fonctionnaires, attachée aux missions et à la qualité du service public dans notre pays. Défendant les intérêts des personnels qu’elle représente en matière notamment de statuts, la FSU par cela même défend des principes généraux qui sont essentiels à la République : l’égalité devant la loi, l’égalité devant l’impôt, l’égalité devant le service public, la laïcité. C’est sur la base de ces principes et de ces valeurs que la FSU Auvergne vous demande solennellement de voter contre les deux lois sur la réforme territoriale et est disposée à vous rencontrer à ce sujet.

La clef de voûte des deux lois est constituée par l’article 1 de la loi sur la nouvelle organisation territoriale de la République où l’on peut lire notamment ceci :

"Le pouvoir réglementaire de la région s’exerce dans le cadre des compétences qui lui sont dévolues par la loi.

Par délibérations concordantes, un ou plusieurs conseils régionaux peuvent présenter des propositions tendant à modifier ou à adapter des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur ou en cours d’élaboration concernant les compétences, l’organisation et le fonctionnement de l’ensemble des régions.

Les propositions adoptées par les conseils régionaux en application de l’alinéa précédent sont transmises par les présidents de conseil régional au Premier ministre et au représentant de l’État dans les régions concernées."

Dans le cadre des compétences très large que leur confère la suite du texte de loi, les Régions auraient donc le pouvoir réglementaire de faire des décrets et des circulaires. De plus, elles pourraient faire des propositions « législatives » (sic ! ) dans les domaines, eux aussi très larges, concernant leurs compétences, leur organisation et leur fonctionnement, propositions qui seraient transmises au pouvoir exécutif : le législatif national, qui est encore théoriquement censé faire la loi dans ce pays, n’est pas mentionné dans le texte du projet de loi !

Déjà, la révision constitutionnelle de 2003 avait ouvert la voie à la possibilité de disparités importantes au regard de la loi entre collectivités territoriales. Cette fois-ci, l’inégalité territoriale devant la loi, nous disons bien devant la loi, est de facto instituée. Ce glissement vers une forme fédérale de l’État n’enlève rien à la centralisation française autour de l’exécutif, mais se cumule avec celle-ci pour diminuer non seulement le rôle et les compétences des départements et des communes, mais de l’Assemblée nationale.

Nous le répétons : l’inégalité territoriale généralisée devant la loi, devant l’impôt, devant le service public, est au terme, et rapidement, de ces deux projets de loi.

Le formidable renforcement des compétences régionales envisagé, centré sur la circulation des capitaux (« la compétitivité, l’innovation et l’internationalisation »), va de pair avec l’extension géographique de la plupart d’entre elles et, concernant l’Auvergne, avec sa périphérisation par rapport à Rhône-Alpes dans un ensemble dominé par Lyon, Clermont-Ferrand étant défini comme le satellite Ouest de Lyon en oubliant au passage St-Etienne, ainsi que les territoires de vie réels des populations. Ce super-conseil régional et son super-exécutif doté des pouvoirs réglementaires et de proposition de lois, seraient évidemment en relation et en connivence avec la métropole lyonnaise, organisme créé sur mesure pour prendre la place des institutions républicaines historiquement constituées et reconnues et qui n’ont pas failli à leur tache que sont les départements et les communes. Et c’est ce super-conseil régional centré sur sa métropole qui serait censé gérer les collèges du Cantal et les transports scolaires de l’Allier !

L’inquiétude des populations, des organisations syndicales et des élus locaux n’a rien à voir avec le conservatisme : elle reflète leur sens des responsabilités comme leur connaissance des hommes et du terrain. Qui peut croire sérieusement que les transports scolaires dans l’Allier ou les collèges dans le Cantal, pour reprendre ces deux exemples, n’ont rien à craindre à ce que leur gestion soit transférée à un Conseil régional, qui plus est situé à Lyon ? Qui peut croire sérieusement qu’alors que la dotation générale de fonctionnement des collectivités est massivement réduite, les moyens du super-conseil régional Rhône-Alpes-Auvergne pourraient dépasser ou ne serait-ce qu’égaler la somme des moyens actuels des deux Régions et des compétences départementales transférées ?

Les personnels territoriaux sont menacés de transferts massifs d’une collectivité à une autre avec concentration, mutualisation, regroupement et, probablement, suppressions de services au passage, voire externalisation conduisant à les privatiser. Les fonctionnaires territoriaux n’ont pas dans ce processus de garantie de maintien dans leur emploi, leurs postes et leurs qualifications. Ils risquent de faire les frais et d’être ballotés dans les opérations de dépeçage des départements entre Régions et intercommunalités qui s’annoncent ! Les agents des lycées et des collèges déjà transférés en 2004 le seraient à nouveau, certains en deux temps si des « métropoles » venaient se substituer au territoire républicain. Les agents non titulaires pourront être laissés de côté et licenciés. Les deux lois n’imposent aucune création de Comités Technique Paritaires et aucune concertation avec les personnels et les organisations syndicales. Les fonctionnaires d’État sont en droit de penser que, dans cette logique de fuite en avant, leur tour pourrait venir aussi.

Et tout cela sans débat national, sans bilan des étapes précédentes de la décentralisation, si tant est que ces deux lois, typiquement parisiennes et énarchiques dans leur conception et leur contenu, puissent s’appeler des « lois de décentralisation ».

Un parlementaire de toute tendance républicaine, attaché à l’égalité des citoyens et au débat politique, doit les faire prévaloir. Notre organisation syndicale défend l’école publique, nationale et laïque et les statuts de la fonction publique d’Etat et de la fonction publique territoriale. Elle prend ses responsabilités en s’adressant à vous publiquement : M./Mme le député(e), vous avez à jouer votre rôle en votant contre ces projets.

Claude Delétang, Secrétaire régional et départemental du 63

Vincent Présumey, Secrétaire départemental du 03

Bruno Joulia, Secrétaire départemental du 15

Jean-Louis Neflot-Bissuel, Secrétaire départemental du 43