Loi BESSON : Ne perdons pas une part de notre propre humanité.

Ce texte, qui reprend les mesures annoncées par Sarkozy lors de son discours de Grenoble en juillet, devrait être adopté par l’Assemblée lors d’un vote solennel le 12 octobre.

Il fait suite, cet été, aux annonces sécuritaires, xénophobes, et à une politique d’expulsion et de stigmatisation des Roms. Si ces mesures visaient à détourner l’opinion de la crise et de la question des retraites, en jouant sur la peur de l’autre et la recherche de bouc émissaire, elles sont aussi un choix idéologique du gouvernement qui flirte en cela dangereusement avec les idées de l’extrême droite.

Les réactions d’indignation ont été rapides, et de multiples horizons, jusqu’à l’Union européenne qui met en cause la politique française.

La France, depuis des semaines, est suspectée de politique discriminatoire à l’encontre des migrants, qu’ils soient clandestins ou légaux, par l’ONU, le Conseil de l’Europe et la Commission européenne. Cette dernière, dès le lendemain de la présentation du projet de loi à l’Assemblée, le mardi 28 septembre, qu’elle attendait un mois pour déclencher, ou pas, une procédure de sanction contre la France à propos des expulsions jugées discriminatoires de Roms l’été dernier.

L’Assemblée nationale a voté, à une courte majorité, jeudi 30 septembre, avec 75 voix contre 57 (les députés UMP et centristes sont très divisés sur ce texte), la déchéance de nationalité pour les Français naturalisés depuis moins de dix ans et condamnés pour meurtre d’agents dépositaires de l’autorité publique.

Le gouvernement se protège d’abord derrière trois directives européennes, « qui créent un premier cadre juridique global et harmonisé pour une politique européenne de l’immigration » :

La directive « retour » du 16 décembre 2008, qui prévoit des « standards minimaux en matière de durée de rétention et d’interdiction de retour ».

La directive « carte bleue » du 25 mai 2009, qui « ouvre, pour les travailleurs hautement qualifiés, le même droit au séjour dans l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne et leur permet d’accéder plus aisément au marché du travail. »

La directive « sanction » du 18 juin 2009, qui créé des normes minimales en matière de lutte contre l’emploi d’étrangers sans titre de séjour.



Quel est ce projet de loi ?



Déchéance de la nationalité :
Elle consiste à étendre la déchéance de nationalité (jusque-là essentiellement réservée aux personnes condamnées pour terrorisme) aux personnes naturalisées depuis moins de dix ans, qui auront commis un crime contre des personnes dépositaires de l’autorité publique.



Création de zones d’attente :
Il s’agit de créer des zones d’attente temporaires, à l’instar de celles existant dans les aéroports, pour héberger provisoirement les étrangers qui arrivent en France en dehors des points de passages frontaliers. La zone s’étend du lieu de découverte jusqu’à la frontière la plus proche. Aujourd’hui, un demandeur d’asile reste libre le temps que sa demande soit examinée.

Interdiction de retour : Issue de la directive « retour », adoptée en 2008 par le Parlement européen, cette mesure prévoit d’interdire le retour sur l’ensemble du territoire européen, pendant une période de deux à cinq ans, à tout migrant qui n’aurait pas quitté le territoire alors que cela lui a été notifié. Quid de ceux qui n’ont pas obtenu le statut de réfugié ?



Mariages gris
:Les mariages fondés sur une tromperie volontaire, sont sanctionnés par sept ans de prison et
30 000 euros d’amende.

Etrangers malades : Jusque-là, un étranger, gravement malade, vivant en France, pouvait bénéficier d’un titre de séjour en cas de « non-accès effectif au traitement approprié dans son pays d’origine ». Le projet de loi veut limiter cette délivrance aux cas d’ « inexistence du traitement approprié », et ce, sans savoir si la personne peut y avoir effectivement accès.



Mendicité agressive :
Un étranger, européen ou non, présent depuis plus de trois mois, mais moins de trois ans, pourra être reconduit à la frontière en cas de « menaces à l’ordre public » notamment pour des infractions de vols, de mendicité agressive ou encore dans le cas d’occupation illégale d’un terrain public ou privé.

Rétention administrative : Afin d’augmenter le taux de reconduites à la frontière la durée de la rétention administrative passe de 32 à 45 jours et fait intervenir le juge administratif qui se prononce sur le fond, avant le juge judiciaire (juge des libertés et de la détention) qui vérifie la légalité de l’interpellation.

Abus du court séjour : Un ressortissant européen pourra faire l’objet d’une mesure d’éloignement en cas d’ « abus d’un court séjour » (moins de trois mois) lorsqu’il multiplie des allers-retours « dans le but de se maintenir sur le territoire » ou s’il constitue « une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale ».



Intégration :
Un permis de séjour temporaire européen pourra être accordé aux travailleurs « hautement qualifiés » (bac+3 ou cinq ans d’expérience professionnelle) qui justifient d’un contrat ou d’une promesse d’embauche pour au moins un an.

En fait, on le voit, ce projet est avant tout une distraction sécuritaire de plus pour masquer l’échec d’une politique inefficace et caricaturale de ce gouvernement.

Le gouvernement masque l’essentiel : l’immigration clandestine est agitée comme un épouvantail électoral alors que les polices de France ont toutes les peines du monde à trouver les dizaines de milliers de sans-papiers à expulser, provoquant des situations individuelles, voire collectives, aussi absurdes que dramatiques. Hortefeux et Besson croyaient qu’il n’y avait qu’à se baisser pour trouver des clandestins à expulser. Or, depuis 2007, il a fallu les piéger à l’école de leurs enfants ou à pôle emploi et il a fallu ajouter des Roumains, Bulgares et autres citoyens européens aux statistiques pour les gonfler un peu.

Par les durcissements proposés à l’encontre des citoyens européens « abusant » de courts séjours Besson veut cibler les « pauvres » de l’UE. Il semble oublier que le 1er mai prochain, les citoyens des 8 pays entrés récemment dans l’Union européenne (République tchèque, Slovénie, Pologne, Roumanie, Bulgarie, Slovaquie, Lituanie et Estonie) bénéficieront de la libre installation (et non plus du simple libre séjour) partout en Europe, … y compris en France.

Les mesures relatives aux conditions de naturalisations frisent le ridicule : l’élargissement de la déchéance de nationalité n’est qu’un triste symbole car très peu de cas, dans les faits, sont attendus. Ce n’est que de l’affichage à vocation électoraliste, et non une mesure pragmatique, pesée et pensée.

La FSU condamne cette politique honteuse et dangereuse d’atteinte aux droits fondamentaux de l’Homme. Elle s’est associée immédiatement à l’appel citoyen, lancé à l’initiative de la LDH, qui a très vite reçu un grand écho. Elle a participé aux manifestations du 4 septembre qui ont montré un sursaut et une opposition citoyenne face à cette politique xénophobe et raciste du gouvernement. Elle est partie prenante du « Pacte pour les droits et la citoyenneté », initié par la LDH et de nombreuses organisations. La FSU poursuivra toutes les actions nécessaires dans ce cadre pour dénoncer cette politique et exiger des mesures en faveur de la cohésion sociale et permettant à chacun de vivre dignement sur le sol français ainsi qu’à tous les enfants d’être scolarisés. Elle condamne la loi LOPPSI 2 et le projet de la loi Besson sur l’immigration, dont elle demande le retrait.