Ce fut d’abord un grand soupir de soulagement, le soir du deuxième tour de l’élection présidentielle, que de voir écartée la menace de l’extrême droite. Mais au soulagement a vite succédé l’inquiétude au regard de la signification de ce scrutin. Inquiétude du fait de l’apparente inexorabilité de la progression du FN, ce dernier ayant, avec ses 10,6 millions de voix, doublé en quinze ans le nombre de ses électeurs. Inquiétude aussi devant, une nouvelle fois, l’absence de prise en considération de ce qui nourrit la désespérance sociale. Le lexique d’EM est pour le moins éclairant : « la libération des énergies » concerne surtout, dans les faits, ceux qui, de par leurs diplômes, leurs réseaux, se meuvent avec aisance dans une économie mondialisée. Ceux qui sont peu frappés par le chômage et les méfaits de la désindustrialisation, par l’ubérisation de la société et par la fermeture des services publics dans les zones rurales. Pourtant, plusieurs signaux devraient alerter et conduire à réorienter les politiques économiques et sociales. EM a été largement élu, mais, sur les 66% des suffrages exprimés qui se sont portés sur son nom, combien de réels votes d’adhésion à son programme ? Peut-on faire fi du sens des 16 millions de voix « non exprimées », fruits de l’abstention, des bulletins blancs et votes nuls ?
La composition du nouvel exécutif ne lève aucune des inquiétudes exposées précédemment. Le subtil équilibre est respecté entre soutiens de divers bords, mais derrière l’emballage, le contenu est nettement libéral. A la droite ont été donnés les ministères du Travail, de l’Économie, de l’Action et des Comptes publics, autrement dit le pilotage du budget, à droite aussi l’Éducation. Nous entrons dans l’ère des entrepreneurs selon Bruno Le Maire, prophétisant sans doute ainsi ce que seront les réformes du Code du travail, des retraites, de l’éducation, de la Fonction publique…Cette dernière, corrélée à la question des comptes, ne bénéficie plus d’ailleurs de ministère de plein exercice et risque d’être pilotée plutôt par le budget que par les missions et besoins des usagers. Suppressions de postes et rétablissement du jour de carence sont plus que jamais au programme de ce gouvernement. Quant à l’Éducation nationale, elle revient à celui qui mit en œuvre les coupes budgétaires décidées par Nicolas Sarkozy, la quitta pour diriger une école de management, a déroulé dans ses écrits un programme éducatif caractérisé par quelques marqueurs tels l’autonomie, l’évaluation permanente en vue de mesurer la performance, la sélection des jeunes en fonction de leur compétence supposées…JM Blanquer se prévaut de s’appuyer sur les comparaisons internationales, la science… la FSU lui conseille surtout de s’appuyer sur les personnels…
Le programme d’EM fixe des objectifs précis pour le lycée, qui renvoient à des scénarios très précis.
Cette nouvelle organisation du lycée est présentée comme articulée au renforcement de l’autonomie des établissements, au développement de l’innovation et à la promotion de l’apprentissage… Le baccalauréat, qualifié de « totem » dans les discours du candidat Macron, en serait réduit à ponctuer le « continuum bac-3/bac+3 », déjà promu par les gouvernements précédents. « Revoir la forme du baccalauréat (quatre matières obligatoires à l’examen final et le reste en contrôle continu) afin de rendre possible de nouvelles formes d’organisation du temps scolaire et de nouveaux parcours », les propos sont clairs.
Les think tanks des instituts Terra nova et Montaigne, ainsi que l’organisme gouvernemental France Stratégie, voient ici repris la plupart de leurs préconisations, parfois mots pour mots. On peut ainsi identifier deux options chacune supposant de profondes transformations de l’architecture du système éducatif.
Il s’agirait pour la première de créer des parcours intégrés entre le lycée et la licence en déterminant l’orientation vers des filières sélectives longues pour les uns, vers des filières professionnelles pour les autres. Les élèves souhaitant poursuivre en licence « libre » dans les formations générales devraient passer un « test de positionnement » durant la Terminale.
La seconde option vise à permettre aux élèves de construire leur parcours à la carte à partir de modules au terme desquels les compétences acquises seraient clairement identifiées.
Et cerise sur le gâteau, la question de la création d’un corps enseignant commun au lycée et au premier cycle universitaire est posée. Dans son rapport de juin 2013, Tera Nova va encore plus loin en détaillant une organisation du cycle terminal en quatre semestres, chacun avec sept « unités d’enseignement », l’unité renvoyant à 4 heures de cours hebdomadaire. La validation des unités est pensée sous la forme de contrôle en cours de formation avec deux épreuves à la fin des semestres 2 et 3, le dernier étant réservé à des travaux interdisciplinaires.
Pour ce gouvernement, sous couvert de modernité, on retrouve peu ou prou le triptyque « semestrialisation, modules, contrôle continu », en partie envisagée (pour être abandonné) par la réforme Darcos de 2009. En l’état, ces projets consommeraient la rupture entre collège et lycée, pour institutionnaliser la sélection à l’entrée des universités et même dès le lycée. Ils sacrifieraient l’ambition d’une culture commune émancipatrice sur l’autel de parcours individuels évalués localement.
La FSU et ses syndicats ont fait le choix de poser immédiatement leurs sujets et d’avertir qu’ils combattront toute mesure qui irait à l’encontre des intérêts des personnels et des élèves.
Concernant l’ordre du jour,
Collèges, lycées
Dans le second degré, le bilan du quinquennat n’est pas à la hauteur des objectifs affichés ni de la priorité à l’Éducation affirmée pendant la campagne présidentielle. Après les dégâts causés sous le quinquennat Sarkozy avec 592 postes supprimés dans notre académie, le gouvernement a certes créé 94 postes pour les stagiaires mais n’a en réalité réimplanté que 141 postes dans les établissements sur la mandature alors que le nombre d’élèves a augmenté de 3 000 sur la période 2012-2017 ! Il manque donc 451 postes par rapport à 2012. Les conditions de travail pour les personnels et d’apprentissage pour les élèves n’ont fait que se dégrader durant cette période. Quant aux créations de postes en collège pour la rentrée 2017, quasiment la moitié (42%) sont la conséquence de la réforme du collège imposée contre les personnels, à savoir le quart d’heure supplémentaire d’autonomie prévu à la rentrée 2017 !
Même si on peut constater une amélioration du taux d’encadrement en collège, qui reste cependant très inférieur à celui de 2008, première rentrée du quinquennat Sarkozy, il n’en va pas de même en lycée, avec un taux d’encadrement qui se dégrade de nouveau, alors que les effectifs sont déjà pléthoriques ! Il manque 13 postes pour maintenir le même taux que l’an dernier, déjà très inférieur au taux de 2008 ! Le taux d’encadrement en lycée était même meilleur en début de mandature, malgré la quasi disparition du redoublement en fin de seconde ! Quelles garanties sur le maintien des moyens en collège, une fois la réforme du collège digérée bien malgré eux par les personnels ? La diminution des HSA par emploi, de l’ordre de 0,6%, est très insuffisante et ce taux reste très élevé. Pour la FSU, la diminution du nombre de HSA par emploi est une nécessité qui passe par des créations de postes en nombre suffisant.
Au final, où sont passées les ambitions gouvernementales ?
Éducation Prioritaire
La très faible baisse des effectifs dans les collèges de l’Education Prioritaire, de 26 à 25 élèves, n’aura que peu d’impact sur la réussite des élèves et les conditions de travail des enseignants, comme des études l’ont prouvé. La FSU revendique des effectifs de 20 élèves par classe dans les collèges de l’Education Prioritaire.
L’annonce de 450 postes supplémentaires pour la rentrée 2017 et les déclarations de la Ministre affirmant que les lycées ont vocation à rester dans l’éducation prioritaire sont de premiers éléments de réponses à la mobilisation des personnels. Les politiques d’éducation prioritaire doivent aussi concerner les lycées. A ce titre les choix opérés par le rectorat pour l’affectation des 6 emplois réservés aux lycées fragiles nous semblent pour le moins surprenants compte tenu des critères retenus (CSP défavorisées, boursiers). Pourquoi si peu de Lycées professionnels dans cette liste, alors que ces établissements correspondent bien souvent aux critères de CSP et de boursiers ? Pourquoi ne pas avoir utilisé l’ancienne carte de l’EP de notre académie en la réactualisant ?
Voie Professionnelle
Si l’on peut acter positivement la légère augmentation du nombre d’emplois dans les SEP et LP, il faut néanmoins noter leur diminution dans les EREA et le maintien à un niveau très élevé du nombre d’HSA par emplois à 1.82 à la rentrée 2017, pallier constant depuis 2014. Par conséquent, nous n’aurons pas constaté depuis 5 ans une hausse sensible des emplois dans la Voie Professionnelle sur l’académie, seule à même d’améliorer les conditions de vie et de travail des collègues par, notamment, une fluidification des mouvements inter et intra académiques.
Nous attendions peu du plan « 500 » formations, et au final il se traduit par peu d’ouvertures de structures sur l’Académie de Clermont-Ferrand : un groupe de BAC Pro sur Thiers et quelques Mentions ou Formations Complémentaires sur l’Académie.
Sur 500 formations au niveau National seules 150 concernent des sections de CAP et de bacs pros. Un comble lorsqu’on sait que certaines annonces de « créations » ne sont en réalité que de simples augmentations de capacités d’accueil. De plus, le « chiffrage » de la Ministre ne soustrait pas les fermetures massives imposées dans de nombreuses académies : dans deux tiers des académies, un CAP est fermé pour deux ouvertures, un bac pro est fermé pour 1,5 ouverture ! Quant à l’ouverture de sections de BTS, le SNUEP-FSU aurait pu l’acter positivement si elle n’avait pas été financée en partie sur le dos des fermetures de sections de CAP et bacs pros.
Le bilan des emplois de la Voie Professionnelle sur la période 2012-2016 s’en ressent puisque 3340 emplois ont été perdus dans les lycées pro, 10.000 en dix ans et au final les 1.000 emplois réinjectés en urgence pour la rentrée prochaine ne se traduit que par 234 postes qui auront été budgétisés dans la loi de finances 2017, les fermetures de sections énoncées plus haut permettant encore une fois la manipulation des chiffres.
Ainsi sur le plan académique, nous tenons également à dénoncer la baisse des capacités en seconde du BAC PRO Métiers de l’électricité et environnement sur Charles et Adrien Dupuy au Puy en Velay , établissement fortement mobilisé avant les vacances de printemps et nous demandons que soit faite la proposition au Lycée Geneviève Vincent de Commentry d’ouvrir une seconde GT en maintenant ses autres sections de la Voie Professionnelle ..
Quoiqu’en pense les Régions de France, les thinks tanks Terra Nova et l’Institut Montaigne, le Président de Région et le Président de la République, l’apprentissage n’est pas la solution.
Il répond sans aucun doute aux attentes des entreprises à court terme, à l’adéquationnisme formation/bassin d’emplois, à certaines difficultés à recruter dans l’industrie ou dans des branches comme l’Hôtellerie-Restauration mais il ne peut résoudre les problèmes d’attractivité des métiers ( image, conditions de travail et de rémunération), la résorption des plus des 600.000 chômeurs que compte la Région AURA, les blocages de progression dans l’entreprise car l’apprentissage reste discriminant . On sera apprenti ou pas selon que l’on est un garçon, avec un nom à consonance européenne, venu de quartiers favorisés et plutôt diplômé.
Traversez le Lac Léman et regardez le modèle suisse qui rééquilibre son système éducatif du certificat fédéral de capacité (Apprentissage) vers la maturité fédérale (Bac général) et qui a créé la maturité professionnelle soit un bac pro 4 ans pour favoriser la montée des qualifications via l’université et les écoles d’ingénieurs.